Exposition 'L'usine'

Une exposition entre Art et Mémoire à Paris

brèves

Olivier C. A. BISANTI

26 octobre 2000

 

problèmes avec votre navigateur pour lire la page ? cliquez ici.

     

Lorsque soixante-treize artistes contemporains (au sens chronologique du terme) sont réunis par une association afin d'exposer sur le thème de l'Usine, et que le talent et la sincérité sont au rendez-vous, on obtient une manifestation hors de la masse des exercices snobinards ou nostalgiques qui ont hélas quelque peu disqualifié le genre.

   
 

 

la couverture du catalogue

 

-----------

Jean-Baptiste SECHERET, 'la SMN à Mondeville', fusain sur papier coloré, 120x143cm, 2000, cliquez pour agrandir

Ils disent qu'ils ont mis quatre ans à monter leur expo. Qu'ils ont failli renoncer devant le poids embrassé par la petite association "Un mot de toi et j'quitte ma mère" (enfin un vrai programme...). Et que, galvanisés par l'enjeu (ne pas succomber au passéisme ni à la fascination), ils ont tenu bon. C'est heureux.

Sylvain SALOMOVITZ, 'Uckange', Hst 81x100 cm, 2000, cliquez pour agrandir

Il y a bien évidemment des pastels, des peintures, des photos, et les quelques inévitables "installations" qui permettent de recueillir l'estampille "contemporain" mais échappent pour une fois aux habituelles vacuités schizophréniques à la mode. L'ensemble est plutôt figuratif (encore que certaines oeuvres tendent franchement à une (heureuse) stylisation) ; certains pastels sont vraiment (on pense à ceux de Vivian KRAL ou Sylvain SALOMOVITZ) une réussite expressive de la matière pesante de ces cathédrales du travail.

Tristan JEANNE-VALES, 'Loco coke-car. Défournement. Cokerie' (1993) photographie, cliquez pour agrandir

Des photographies, aussi. Documentaires dont le cadrage, la perspective et le tirage subtilement altérés font éclater l'émotion de ces masses involontairement belles ; photos-"graphies", où une lumière voilée effleure la fatigue des peaux rouillées ou poussiéreuses des matrices de nos richesses, comme on caresserait une peau vivante, avec une tendresse comme mêlée d'une reconnaissance inconsciente. Des photographies d'ouvriers, aussi, peu nombreuses, qui m'ont mis personnellement un peu mal à l'aise. Comment échapper à la pénible impression que l'on documente une espèce en voie de disparition ?

(*)13 octobre 2000

C'est peut-être cela qui a fait écrire dans 'Le Monde'(*) que "l'exposition hésite entre esthétisme et témoignage". Beaucoup des ateliers qui ont inspiré ces artistes ont aujourd'hui disparu, je pense particulièrement à la sidérurgie, assez présente dans l'exposition (ce qui lui vaut cet article), et les textes d'accompagnement renforcent l'impression, forcément subjective, d'un témoignage quelque peu désabusé.

 

 

Laurent CHANEZ, Eric DELMOTTE, (sans titre), photographie, 1997.

(*) Michel ONFRAY, parlant de la Société Métallurgique de Normandie à Mondeville, fermée en 1993.

Au final, ces images d'usines et d'ouvriers, et la richesse des textes qui accompagnent les oeuvres dans le remarquable catalogue de l'exposition (à FrF 230, édité en collaboration avec l'hebdomadaire bien connu 'l'Usine Nouvelle', il ne faut surtout pas s'en priver) nous font intimement ressentir que "l'usine produit une cohésion, une famille, d'autant plus manifeste que les tâches sont pénibles (...) plus on s'éloigne du feu et du métal en fusion et plus les tempéraments se modifient (...) à croire que seul l'enfer est capable de générer des âmes trempées"(*). Comment éviter une certaine amertume alors que la sidérurgie a perdu les trois quarts de ses effectifs en 25 ans et que tant de ces solidarité ont été dissoutes ? Et l'auteur de ces mots de conclure : "En quittant le creuset, on s'éloigne des mystères."

 

coordonnées de l'expo

le catalogue peut être commandé par correspondance. S'adresser au numéro de l'exposition parisienne.

- du 4 octobre au 18 décembre 2000 à 'le friche industrielle', 4 rue du Chemin Vert, PARIS 11e (tel : 01.40.21.81.88)
- de mars à juin 2001 à 'la fonderie' à BRUXELLES
- en septembre et novembre 2001 à 'la Condition Publique' à ROUBAIX.

 

un avis, remarques, réactions, précisions sur cet article ? cliquez ici

(c) Soleils d'Acier ; reproduction interdite sans accord écrit. Images : droits réservés.