"patrimoine industriel"

un livre

05 avril 2001

"Le patrimoine industriel semble sortir de la longue indifférence dans laquelle il a été cantonné en France. (...) Pour un pays comme le nôtre qui a accompli sa première révolution industrielle dans le deuxième quart du XIXème siècle, ce patrimoine est aujourd'hui un enjeu culturel pour diverses raisons : architecturales, car certains édifices sont des réussites majeures dans ce domaine ; sociales, car c'est tout un pan de notre histoire qui est inscrit dans ces mines, dans ces murs, dans ces machines ; spatiales, pace que plusieurs aménagements ont marqué durablement des paysages ; et techniques enfin, puisque les innovations d'autrefois sont encore à l'oeuvre dans des sites spécifiques et restent des activités rentables."

Emmanuel DE ROUX, journaliste au journal "Le Monde" et spécialiste du patrimoine industriel, fait découvrir dans ce magnifique ouvrage dont les photographies sont signées par Georges FESSY un trésor inattendu : non, les usines mortes ne le sont pas pour tout le monde... oui, les "friches industrielles", correctement réhabilitées dans le cadre d'un projet cohérent plus ambitieux qu'une simple commémoration, sont une richesse. Que penser de la destruction systématique du patrimoine sidérurgique lorrain, par exemple, dont il ne reste pas la moindre trace à Longwy ou à Pompey, l'usine qui a forgé l'acier de la tour Eiffel !

Certes, c'est un "Beau-Livre". Mais il est bien plus que cela. Manifeste tonique pour la cause du patrimoine industriel, il en décrit magnifiquement les enjeux, et décortique les intérêts contradictoires des "chapelles" culturelles qui font les modes et imposent leurs choix arbitraires et changeants, des industriels qui refusent de supporter la charge d'installations ayant perdu leur caractère industriel (et on les comprend : ce n'est pas leur rôle, même si elles ont quelquefois une manière bien particulière de résoudre le problème) et des hommes de culture qui réalisent que la construction d'un patrimoine permet "d'inférer, des réponses que le présent assène aux interrogations d'hier, les bonnes questions pour demain(*)". Les vingt premières pages sont ainsi un ardent plaidoyer en faveur de la préservation du patrimoine industriel, un réjouissant tir de salve contre l'immobilisme, l'insouciance, certaine médiocrité administrative et politique aussi, et l'espèce de fureur du propos met en valeur par contraste le silence rêveur et nimbé de mystère des vingt-quatre sites présentés, souffleries, hauts-fourneaux, mines, usines d'automobile, barrages, briquetteries, verreries... Vaisseaux chargés de notre mémoire.

Laissons E. DE ROUX conclure : "Si la reconversion de ce patrimoine pose presque toujours des problèmes aigus, ils sont loin d'être insurmontables. S'intéresser au patrimoine industriel n'implique pas, bien entendu, un gel définitif de l'ensemble des bâtiments affectés à la production. Il s'agit, avec discernement, pour des raisons diverses, dans des domaines différents, de conserver les témoignages les plus significatifs des deux siècles qui viennent de s'écouler".

On ne saurait mieux dire.